La 17th SS Panzer Division Goetz von Berlichighem avait reçu pour mission de reprendre Carentan, de forcer un couloir entre les secteurs américains d’Utah et Omaha, et de rejoindre la mer. Ce « petit boulot », comme disait le General SS Ostendorff, était sacrément ambitieux. Mais après les épisodes de Dieppe et d’Anzio, la perspective de rejeter les Américains à la mer était perçue comme parfaitement réalisable.

La route Carentan- Baupte, ainsi que la route de Périers, était tenue par des éléments des 506th et 501st Parachute Infantry, supportés par des équipes du 81st AA/AT Battalion, selon une ligne qui enveloppait la Colline 30. Mais malgré le débarquement, les troopers en première ligne manquaient cruellement de munitions. Ils étaient aussi exténués, après toute une semaine de combats incessants sans le moindre remplacement.

Bien que sa force ait été considérablement entamée par les attaques aériennes alliées subies depuis son départ de la région de Thouars, la 17th SS arrivaient avec ses grenadiers bien entrainés, supra motivés et frais au combat. L’attaque du 13 juin allait inclure des éléments de son bataillon de chars, ainsi que les 37th et 38th Panzergrenadiers Regiment.

5 heures du matin en ce 13 juin, les troopers du 506th croisent les chars et les grenadiers allemands qui marchent dans la direction opposée. Les troupes SS se répandent dans les champs et les chemins au nord de la petite église de Donville. Malgré les efforts héroïques pour les repousser, des éléments SS dépassent Donville et parviennent à 500 mètres des limites de Carentan. Les parachutistes du Major von der Heydte soutiennent cette attaque. Les paratroopers US reculent en un certain nombre de points, mais juste au sud de la voie ferré, ils tiennent leur « Alamo », en une ligne désormais appelée « Bloody Gulch ». Lt Col Robert Strayer, CO du 2/506th demande alors du renfort au HQ de la division.

C’est le 2/502 qui est envoyé en renfort, et les troopers du Lt Col; Steve « quiet Steve » Chappuis repoussent les allemands jusqu’à leur zone de départ. Mais les troopers ne sont pas équipés pour lutter contre les chars. Au courage et à coups de bazookas, ils parviennent à stopper quelques tanks et gagner un peu de temps. C’est alors que les chars de Maurice Rose sont arrivés comme la cavalerie dans les films d’indiens. A 10 heures 30 du matin, les premeirs éléments du Combat Command A entrent dans Carentan. Une Task Force attaque aussitôt le long de la route Carentan-Baupte.

Le chroniqueur écrit :
« A 15 heures précises, la route a commencé à trembler ; De bons gros et magnifiques Shermans de la 2nd Armored arrivaient en chargeant, portant avec eux de l’infanterie fraichement débarqué, et crevant d’envie d’en découdre. Les commandants de chars ont repéré les lignes de F/506 et se sont éparpillées devant son front. Les Shermans équipés de socs ont plongé pleine balle dans les haies comme dans du beurre, ouvrant le passage aux suivants. C’était magnifique à voir. Un tank s’engouffrait derrière le bulldozer, tournait à droite, le suivant à gauche, s’élançant vers les boches, et balayant les haies à la mitrailleuse. Ceux qu’ils rataient étaient réduit par l’infanterie. Ce fut un incroyable étalage de violence et de destruction. L’ennemi s’est désintégré devant la fureur froide et délibéré de la 2nd Armored. »

 

 

Parfois les chars du Lt Col Lindsay Herkness, 2/66th Armored Regiment, fonçaient droit sur une haie pour l’écraser ; une manoeuvre dangereuse, car en grimpant, le tank exposait son « ventre », partie la plus vulnérable aux panzerfausts ennemies. Et en redescendant de l’autre côté du talus, l’écoutille de la tourrelle se refermait brusquement, et pas mal de commandants de chars ont perdu des doigts ce jour là.

Le 14th AFA Battalion rapporte avoir tiré en ce 13 juin 3 000 obus de 105 mm High Explosive. Son forward observer était dans un half track. Il a donné des coordonnés de tir toute la journée aux gars du 66th AR jusqu’à ce que son véhicule soit touché, et lui-même blessé. La 2nd Armored avait aussi un avion d’observation dans les airs qui volait si bas qu’il reçut plusieurs balles et faillit s’écraser.

Les troupes du général Maurice Rose participaient là à leur premier engagement depuis leur débarquement à Omaha. Rose leur avait dit : « Engagez vous, gardez vos lignes, et envoyez tout ce que vous avez! » Des centaines d’allemands ont été tués, et seulement 8 ont été fait prisonniers par le Combat Command A. Le fanatisme des SS est certainement responsable de ces chiffres ; Bob Parks de G/506 se souvient avoir vu tomber comme des mouches des snipers dégommés par les .50 cal des Shermans. Les corps pendaient aux arbres par dizaines. Il se rappelle aussi comment les SS bondissaient de leur trous armés de MP 40 pour tirer sur les chars à bout portant, jusqu’à se faire déciqueter par les .50 cal..

J'ai vu les ravages de la guerre, les morts et les mourants dans les champs autour de Carentan, amis et ennemis côte à côte. Dans chaque petit pré, on a relevé entre 5 et 50 cadavres... et il y avait d'innombrables petits prés. On donnait à chaque paratrooper qui approchait de notre char une ceinture de munitions. Ces troopers exténués tenaient le coup depuis une semaine et ils en étaient réduits à se battre à la bayonnette et au couteau. Ces hommes avaient vu des centaines d'ennemis mourir, mais aussi des camarades tués devant leurs yeux. Et pourtant, ces gars là pleuraient quand on leur tendait enfin un ceinturon de munitions.

Arden Gatzke Staff Sergeant - 66th AR

Captain Legrand Johnson, F/502 commanding officer se retrouve entouré par des SS quand le char du commandant de F/66 arrive et délivre les troopers. Il attaque ensuite un petit char allemand dont il fait sauter la tourelle. Johnson remercie le commandant, Captain William A NIcholson, et les deux hommes promettent de se revoir. Quelques heures plus tard, Nicholson est tué par un sniper. Johnson ne l’apprendra que 53 ans plus tard.

Bloody Gully, Bloody gulch..

Ces mots claquent comme une rafale de MG 42. Ils résument à eux seuls la confusion et la violence des combats des 12 et 13 juin 1944 au sud ouest de Carentan, livrés par les trois bataillons du 506th PIR, face aux parachutistes allemands en retraite, et aux SS de la Goetz von Berlinchingen accourus depuis Thouars pour rejeter les américains à la mer. Le clash a eu lieu à l’est de la voie ferrée Carentan-Baupte, le long de la D 223, en un secteur de champs bordés de hautes haies et de profondes sentes que les GIs ont indistinctement qualifié de gully ou de gulch, au point que 71 ans après, nul ne sait plus véritablement quel mot qualifiait quel endroit. Même les historiens les plus pointus ont encore du mal à situer l’un par rapport à l’autre, ainsi qu’en témoigne Mark Bando, THE spécialiste de la 101st Airborne…
« Ne pas confondre Bloody Gully (ravine ou tranchée sanglante) et Bloody Gulch (ravin sanglant)

Il s’agit en ce qui concerne la bataille pour Carentan de deux endroits différents. C’est l’écrivain Ian Gardner qui en donne l’explication dans son bouquin « Tonite we die as men », sur le 3/506. Bloody Gully se situe au sud de la route qui courre d’Est en Ouest en dessous de Donville. Il s’agit d’un chemin encaissé, bordé de hautes haies.(D 223) Bloody Gulch est au nord de cette même route et est bordé sur sa droite par la voie de chemin de fer. Il s’agit plus d’une dénivellation en pente douce appuyée à l’Ouest sur l’ancienne voie de chemin de fer vers Baupte.

La location exacte de Bloody Gully fait toujours l’objet de débats. Les vétérans du 3/506 eux mêmes n’ont pas tous réalisé que Bloody Gully et Bloody Gulch faisaient référence à deux combats particuliers et différents. Quand ils parlent des combats du 12 juin, les hommes des 1st et 2nd battalion pensent qu’ils parlent du même endroit que les gars du 3/506. Ils en parlent entre eux comme s’il s’agissait du même endroit. Or, ce n’est pas le cas.

Cette confusion est compréhensible car les configurations de combat sont les mêmes, chaque bataillon du 506th faisant front vers l’ouest, le même jour 12 juin, dans une zone située au Sud Ouest de Carentan, et face au même ennemi, 6 FJ et 17ème SS. Les vétérans dans leur propos alternent les termes bloody gulch et bloody gully pensant qu’il s’agit d’un seul et même endroit.

Ian Gardner, après de longs interviews avec les survivants du 3/506, et en s’aidant de schémas, a décelé que les gars du 3/506 soutenaient que leur flanc droit était limité par une route, tandis que les boys des 1 et 2 battalion soutenaient que c’était la voie ferrée. L’historien de la 101st Mark Bando poursuit ses investigations, en s’appuyant sur des diagrammes de Lt Ronald Speirs (D/506) et Lt Dick Winters (3/506). Des recherche au détecteur de métal ont révélé nombre de douilles tant allemandes que US à proximité du pont sous la voie ferrée, indiquant ce qui pourrait avoir été la MLR d’Easy Company. »

La campagne de Normandie, premier saut et premier combat de la 101st Airborne, a aussi été la plus couteuse, avec 3 836 pertes (tués, blessés, disparus), contre 3 301 aux Pays-Bas (Market) et 3 458 pertes dans les Ardennes (Bastogne). La campagne de Normandie (38 jours) a pourtant duré quasiment deux fois moins longtemps que le séjour aux Pays-Bas (72 jours). 868 hommes ont perdu la vie en Normandie, dont au moins 400 pour la seule bataille de Carentan.

C’es le 506th PIR qui en Normandie déplore le plus grand nombre de pertes, 983, dont 231 KIA. A noter que la compagnie G du 501st déplore à elle seule 50 tués, dont 30 lors de deux crashes de C-47, sur un effectif de 136 hommes.

Le 1/401st rattaché au 327th GIR, a eu 41 soldats tués lors de l’assaut du bassin à flot à Carentan.

Le 3ème bataillon du 502nd de Robert Cole, a perdu 550 hommes, dont au moins 88 KIA, lors de l’assaut sur Purple Heart Lane et la ferme Ingouf, soit 67% de ses effectifs entre le 10 et le 13 juin 1944.

Easy Company 502nd n’a déploré que 3 tués en Normandie, plus faible total de la Division.

La 101st Airborne a engagé en Normandie 951 officiers et 13 250 hommes du rang, soit 14 201 hommes. 6 670 sont arrivés par parachute. 52 planeurs Waco ont transporté du personnel de l’Etat Major, medical, Engineers, artilleurs, soit 312 hommes . Le reste de la division est arrivé par la mer à Utah Beach.

Selon Rapport et Northwood

101st Airborne in Normandy

KIA : 868

WIA : 2 303

MIA : 665

Total : 3 836