La ville de Carentan a payé un prix exorbitant pour sa libération en juin 1944. Les bombardements américains successifs de la ville, notamment le 6 juin mais aussi dans la nuit du 10 au 11 juin ont provoqué d’impressionnantes destructions. Ils ont vite été suivis des tirs sporadiques mais réguliers de l’artillerie allemande qui demeurera de longues semaines en position d’atteindre tous les recoins de la ville. Ces différents tirs ont couté la vie à un grand nombre de Carentanais et Carentanaises. Les combats, les mines, les mitraillages, la barbarie Nazie continueront de prélever leur écot sanglant au sein de la population civile tout au long de l’été 1944. A ce jour, on dénombre pas moins de 65 civils, hommes, femmes et enfants de Carentan morts dans le cadre des combats pour la libération de Carentan. Le décompte total des victimes civiles de tout le territoire de la Communauté de communes de Carentan les Marais reste à réaliser. Jean Jacques Bréguet, passionné d’histoire, a effectué un considérable travail de recherche pour mettre un nom et une histoire sur ces tragiques destins individuels. A découvrir dans la Gazette des Arcades N°10.

Si les noms du Docteur Jean Baptiste Caillard, Maire de Carentan, tué le 6 juin, et celui de la petite Danielle Laisney, 4 ans, morte suite au bombardement de la place de la République du 23 juin, sont entrés dans les mémoires, d’autres noms appartiennent aussi à l’histoire de Carentan, et méritent d’être rappelés.

Ainsi, le nom de Lamy résonne-t’il avec une amertume particulière. Pas moins de 7 membres de cette famille sont tués lors du bombardement de leur maison rue des Villas dans l’après midi du 6 juin. Ce même bombardement tue leurs voisines, les petites Ghislaine (7 ans) et Liliane (10 ans) Leclerc. Toujours rue des Villas, quatre membres de la famille Legardinier, Emile, Jean, Madeleine, Marie Louise, perdent la vie. 24 Carentanais meurent en ce 6 juin 1944, alors que les combats pour la ville à proprement parler n’ont pas encore commencés. Ils débutent véritablement dès le 9 juin avec l’assaut du 502nd Parachute Infantry Regiment de la 101st Airborne le long de la Route Nationale 13 en provenance de St Côme. Aux premières heures du lundi 12 juin, Carentan est officiellement débarrassée de ses occupants allemands. Mais ceux-ci contre attaquent vigoureusement dès l’après midi du 12 juin et toute la journée du 13. Jules Durel est tué vers 7 heures du matin dans le quartier de la Guinguette. Son fils Marcel l’accompagne dans la mort quelques heures plus tard. Jusqu’à la fin juillet, la mort va frapper indifféremment et sous toutes ses formes les habitants de Carentan. Moment festif, la remise de médailles organisée le 23 juin place de la République tourne au cauchemar. Deux obus allemands vont tomber sur la place bondée de soldats et de civils. Les GIs rassemblés s’aplatissent au sol. Les civils ne voient pas le coup arriver. Cinq sont tués, dont la petite Danielle Laisney et Alain Leroux. 19 autres civils seront blessés. Autre famille cruellement touchée lors des événements de la libération, la famille Fortin. Le 7 juin, à Pénême, rive nord de la Douve, Odette Fortin est tuée par un éclat d’obus alors qu’elle puise l’eau du puits pour les blessés américains. Lucienne Fortin sa cousine sera tuée en manipulant une grenade quelques semaines plus tard. A Carentan, Emilienne Fortin et son fils d’un an Michel sont tués le 14 juillet et le 15 juin.

La barbarie Nazie n’épargne pas les Carentanais au seuil de leur libération. Trois hommes sont fusillés par les Allemands près de Méautis pour de prétendus actes de connivance avec l’ennemi.

Carentan comptait en 1944 environ 4 000 habitants. Plusieurs centaines d’entre eux allaient fuir la ville le 12 juin, de crainte de combats de rue. Ironiquement, ils allaient se trouver le 13 juin pris entre les forces américaines et les soldats allemands lors de l’attaque de la 17ème division SS dans le secteur de La Billonnerie.

Source : La gazette des Arcades, Jean Jacques Bréguet.

 

C’est une image qui a fait le tour du monde, devenue quelque peu emblématique de la bataille de Carentan. Si son côté « posé » est indéniable, pour satisfaire les caméras des Signal Corps, elle n’en est pas moins de reflet de la réalité de la compassion sincère exprimée trois jours durant, comme en atteste le témoignage ci dessous, par les habitants de saint Hilaire Petit ville.

Daniel POTIER, ancien adjoint de la commune historique de Saint Hilaire Petitville, de 1989 à 2002 raconte : « En juin 1944, j’avais 6 ans, et nous habitions rue du Pont, la dernière petite maison à gauche juste avant le pont John Tucker, qui fut lui tué à l’opposé de la route du monument actuel, pont qui sépare Carentan et Saint-Hilaire-Petitville. Ce même pont qui fut dynamité par les Allemands dans la matinée du 11 Juin, disposé alors de portes afin de maintenir le couvre feu et la ville de Carentan close après 20h00. Mon père, ainsi que celui de mon ami Michel Le Blanc, avaient eut la charge par les Allemands de surveiller celles-ci.  Après avoir trouvés refuge jusqu’au 12 juin auprès de la maison voisine qui était la seule pourvue d’un plancher en béton d’une quinzaine de centimètres d’épaisseur; nous nous étions réfugiés dans une ferme route du Mesnil près de la cascade, après qu’un obus ait traversé la toiture ainsi que le fameux planché du premier étage avant de se loger au niveau du traversin sur le lit de ma sœur. Une chance que cette dernière fut sortie faire un tour 10 minutes avant, une chance également que le traversin tout en plumes ne s’est pas embrasé évitant ainsi de propager un incendie qui nous aurait été tout aussi fatal. Avec mon père, nous nous rendions au jardin, juste à côté de notre maison rue du Pont dans la continuité de la boulangerie Marie Blachère aujourd’hui. Quelques jours après la libération de Carentan, entre le 13 et le 16 juin, je me souviens très bien de ce soldat Américain gisant sur le bord de la chaussée, route d’Isigny, à l’endroit où se situe la sortie de la petite rue « Rue du Mont ». Quelques pas plus loin, juste à l’angle de la maison « Le Vicariat », où habitait en juin 1944 monsieur le Maire, Albert LORENCE, gisait un soldat Allemand. Les hommes se sont très certainement retrouvés face à face dans un duel où l’un et l’autre sont ressortis perdants, se touchant mortellement mutuellement. Ils sont restés là pendant trois ou quatre jours. J’ai gardé en mémoire, cette image de ce soldat Allemand délaissé, la tête recouverte d’une seule cape noire tandis que de nombreuses fleurs étaient déposées matin et soir par les habitants de Saint Hilaire-Petitville sur le corps du soldat américain.

Sur cette photo, monsieur Adjutor Lecanu boucher-maquignon (il se rendait de ferme en ferme pour abattre les animaux) à Carentan, et son épouse Marie habitaient à 300 mètres d’où est pris la photo.

Juste en face cette scène, un mois plus tard sera construit le premier grand hôpital Américain « 5th General Hospital ».

Les sections mobiles de l’Army Pictorial Service (Signal Corps) étaient composées d’un photographe et d’un caméraman qui travaillaient en binôme, accompagnés pour la logistique par un chauffeur et un secrétaire.

Sur la photo en question, la censure a effacé le caméraman.